L’agriculture en tant que moteur de la croissance pour lutter contre la
pauvreté : potentialités et contraintes de l’agriculture de conservation pour
lutter contre la pauvreté rurale en Afrique
L’accent est mis sur la
réduction de la
pauvreté grâce à
l’agriculture dans les
pays en développement. Je me suis penché sur la question d’une
manière globale en tenant compte à la fois des besoins et des acteurs, et en
examinant le potentiel des partenaires au développement à contribuer au
développement de l’agriculture en faveur des pauvres. Il faudrait combler le
fossé entre les décideurs administratifs et
les professionnels de
différents horizons, et
d’utiliser à la
fois une expérience
pratique et des
modèles théoriques pour servir de base. Quatre sessions
thèmes doivent être étudié avec soin:
- l’agriculture et de la croissance pro-pauvres: défis et opportunités,
- des politiques agricoles en faveur de la croissance pro-pauvres,
- la recherche agricole, la vulgarisation et l’innovation,
- comment faire bouger l’agriculture et l’entreprenariat rural.
L’agriculture africaine est
confrontée à de nombreux défis liés aux particularités du milieu dans lequel
elle est pratiquée. Le climat se caractérise pour une bonne partie du continent
par une insuffisance de la pluviosité annuelle totale et par une irrégularité
de plus en plus marquée des pluies, ces deux phénomènes ont tendance à être
amplifiés par le
réchauffement climatique global
que connaît notre
planète. Les sols africains sont globalement plus pauvres en éléments
nutritifs et plus acides que ceux des régions tempérées. Une bonne partie de
ces sols présente en outre de gros problèmes d’instabilité structurale. De
plus, les ennemis des plantes et des animaux n’y sont pas moins dommageables
qu’ici, bien au contraire. Les agriculteurs africains travaillent dans cet
environnement naturel difficile en disposant de moyens de production nettement
moins importants que ceux des pays industrialisés. Le niveau de mécanisation
des opérations culturales et celui de l’emploi des intrants sont très bas.
L’accès à l’énergie qui est indispensable pour augmenter la productivité de la
force de travail des agriculteurs ainsi que la valeur ajoutée des productions
qu’ils réalisent est le plus souvent insuffisant. De plus, les prix offerts
pour les denrées produites sont généralement trop peu rémunérateurs. L’ensemble
de ces contraintes se traduit par la prédominance d’une logique
d’autosubsistance chez beaucoup d’agriculteurs et par le recours à des
techniques de production peu performantes et non durables qui se traduisent par
une dégradation dramatique du potentiel de production du milieu qu’il faut
absolument arrêter sous peine d’hypothéquer définitivement les perspectives
d’amélioration des conditions de vie des générations futures.
Le concept
de révolution doublement
verte s’impose de
plus en plus
à travers le
monde pour désigner
un mode de production qui est à la fois plus efficace et beaucoup plus
économe en énergie que les techniques de production issues de la 1re
révolution verte pour lesquelles l’obtention de hauts rendements dépend de
l’emploi de grandes quantités d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires.
La mise en œuvre de cette
nouvelle révolution agricole en Afrique subsaharienne repose sur: (i) une
exploitation plus rationnelle et plus efficace de la diversité génétique grâce
à la domestication de nouvelles espèces et à la création par l’amélioration
génétique classique et la transgénèse de plantes cultivées capables d’exploiter
plus efficacement l’eau, l’énergie solaire et les éléments nutritifs du sol et
de mieux résister à leurs ennemis naturels.
(ii) La mise en œuvre de
techniques de production agro-écologiques relevant de l’agriculture de
conservation qui n’aboutissent pas à une dégradation du potentiel productif des
terres agricoles, mais au contraire à une augmentation durable de celui-ci et à
un meilleur contrôle des ennemis des cultures. Certains agro-carburants de 1regénération
comme le jatropha et les agrocarburants de 2egénération basés sur
l’exploitation de la biomasse par des microorganismes peuvent constituer une
opportunité pour améliorer les revenus et favoriser l’accès à l’énergie des
agriculteurs les plus pauvres si les filières de production et de
commercialisation sont organisées de manière à ce qu’ils puissent vraiment en
tirer bénéfice. Pour améliorer les rendements tout en protégeant et en
améliorant le potentiel productif des terres agricoles, l’agriculture de
conservation repose sur l’application de trois grands principes: (i) l’absence
ou la réduction au minimum du travail du sol, (ii) le maintien d’une couverture
permanente du sol constituée de matière organique et (iii)
la mise en
œuvre de rotations
adaptées impliquant souvent
des plantes de
couverture qui servent
à produire la biomasse nécessaire à protéger le sol et à enrichir son
horizon supérieur en éléments nutritifs.Les principaux bénéfices apportés par
l’agriculture de conservation sont: (i) La suppression de l’érosion, tant
hydrique qu’éolienne, (ii) l’amélioration de la fertilité du sol tant au niveau
de sa structure que de sa capacité à retenir et à libérer de grandes quantités
d’élément nutritifs, ce qui augmente l’efficience des engrais minéraux qui lui
sont apportés, (iii)
la limitation de
l’impact des adventices,
(iv) la lutte
contre les effets
néfastes du réchauffement
climatique grâce à une augmentation de la résilience des systèmes de production
agricole vis-à-vis de l’augmentation de l’irrégularité des pluies et de la
baisse globale de la pluviosité et (v) la lutte contre une des causes majeures
du réchauffement global grâce à la fixation dans le sol d’importantes quantités
de carbone par ha. A ce point de vue, des recherches menées au Brésil, au Gabon
et à Madagascar ont montré que l’augmentation de la teneur en carbone du sol au
cours des premières années qui suivent l’adoption des techniques de semis
direct sans labour dans un couvert végétal permanent s’élevait à 2 à 3 tonnes
de carbone par ha et par an, contre une perte de carbone pouvant aller jusqu’à
près de 1.500 kg par ha pour certains systèmes de culture avec labour à la
charrue à disque.Selon les dernières
statistiques de la
FAO, l’agriculture de
conservation concerne environ
100 millions d’ha dans le monde, soit 7% des terres
agricoles mondiales contre moins de 2% il y a environ 10 ans. Plus de 80% des
terres cultivées en agriculture de conservation se situent sur le continent
américain, où on constate une augmentation très rapide de l’adoption de cette
nouvelle technique dans les savanes du Brésil, d’Argentine et des pays voisins.
La pratique de l’agriculture de conservation sur 25 millions d’ha au Brésil et
18 millions d’ha en Argentine explique en partie la compétitivité des
agricultures de ces pays au niveau mondial. Comme l’Europe, l’Afrique est
largement en retard
par rapport à
l’Amérique en ce
qui concerne l’adoption
de l’agriculture de conservation. L’essentiel des superficies
cultivées en agriculture de conservation que l’on y trouve se situent en
Afrique du Sud, avec plus de 300.000 ha.
Le relativement faible taux
d’adoption de l’agriculture de conservation en Afrique s’explique par
l’existence sur ce continent de nombreuses contraintes. Tout d’abord, la
mauvaise adaptation de l’agriculture de conservation aux zones à faible niveau
de pluviosité à cause de la concurrence qui existe dans ces régions entre les
hommes, les cultures et les animaux pour l’utilisation des faibles quantités de
biomasse produites pendant la courte saison des pluies. Deux autres contraintes
importantes concernent l’insécurité foncière et l’existence de servitudes
collectives, comme le
droit de vaine
pâture et la
pratique des assolements
réglés, qui caractérisent
encore une large part des systèmes de production agricole traditionnels
d’Afrique. Ces deux contraintes compliquent fortement la mise en place des
plantes de couverture susceptibles de produire la biomasse indispensable à la
protection du sol. De plus, la pratique de l’agriculture de conservation ne se
traduit pas toujours par une diminution de la charge de travail des
agriculteurs et il faut disposer d’intrants et d’outils adaptés pour tirer
pleinement parti des avantages de ce nouveau mode de production. Enfin, les
bénéfices attendus ne se concrétisent souvent qu’après au minimum un à deux
ans, ce qui est souvent jugé trop long par les producteurs. La mise en œuvre
simultanée de l’ensemble des changements sur lesquels repose l’agriculture de
conservation est donc complexes car elle nécessite d’acquérir et de mettre en
pratique beaucoup de nouvelles connaissances en même temps et d’aller à
l’encontre de pratiques ancestrales en matière de gestion des ressources
naturelles.La levée de ces nombreuses contraintes implique d’agir simultanément
au niveau des techniques de production et du contexte socio-économique dans le
lequel celles-ci vont être mises en œuvre. Au niveau technique, il est
indispensable d’identifier les options qui conviennent le mieux à chaque
contexte agro-écologique. Notamment en ce qui concerne l’identification des
plantes de couverture les mieux adaptées et la production des semences de ces
dernières. Il est également indispensable d’impliquer les agriculteurs sur le
long terme dans la définition des problèmes à résoudre et la recherche de leurs
solutions. Cette dynamique doit idéalement s’accompagner d’un processus
d’apprentissage participatif permettant aux
producteurs de bien
comprendre les principes d’action et l’intérêt des
innovations proposées pour l’amélioration de leur situation. Au niveau du
contexte social, des solutions doivent idéalement être cherchées localement en
vue de changer les modalités d’accès à la terre. Ces solutions doivent
impliquer l’établissement d’un large consensus à l’échelle des communautés
villageoises en ce qui concerne la mise en œuvre des nouvelles règles de
gestion du foncier et l’établissement d’instances d’arbitrage reconnues
par tous. L’acquisition
d’intrants et d’équipements
adéquats par les
producteurs et l’établissement de
conditions plus favorables pour la vente d’une partie de leurs récoltes peuvent
être facilitée par la création ou le renforcement de
coopératives.
J'ai aimé merci pour les détails
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